Portes qui claquent, disputes, éclats de voix… Ça peut arriver dans n’importe quelle famille. Mais quand c’est systématique, parents et enfants finissent par s’épuiser dans une guerre permanente. Au fait, pourquoi crie-t-on ? Didier Pleux, psychologue, explore depuis une vingtaine d’années les aléas de l’autorité parentale et l’émergence d’enfants tyrans. Pour lui, crier est un aveu de faiblesse. Cela montre à la fois que les enfants ont pris le pouvoir et que tout se joue dans l’émotionnel.
Crier est-il utile ? Jamais, répond Didier Pleux : «Cette violence verbale est la première marche vers la violence physique.» Le psychologue va plus loin : la colère fait le lit de l’arbitraire. Mus par de bons sentiments, les parents ont voulu traiter d’égal à égal avec leur progéniture, quand ils ne sont pas devenus ses «serviteurs». Mais cette relation égalitaire favorise les conflits. Quand on est à bout de nerfs, une forme d’autorité injuste risque de s’instaurer. La parade : poser dès le départ des règles claires et s’y tenir. Exemples…
Quand je suis lancée, je ne m’arrête plus
Erreur. Plus on parle, plus on délaie le message, plus il est incompréhensible et irrecevable. Et en général, plus longue est l’altercation, plus le ton monte. «Vos ordres et vos interdictions doivent être courts, impératifs. Utilisez un langage adapté à l’âge de votre enfant», insiste le Dr Gisèle George, pédopsychiatre. Donc des mots simples, pas trop d’adverbes et des phrases claires. Côté grammaire, on préfère le présent ou le futur de l’indicatif, qui sont sans appel, au conditionnel, qui laisse davantage de place à la contestation.
Je donne mes consignes d’une pièce à l’autre
On rentre du travail, et on a encore du boulot à la maison. On pense alors gagner du temps en essayant de se faire entendre d’une pièce à l’autre. Erreur. Un ordre donné à distance est inefficace, car plus facile à ignorer… Mieux vaut se déplacer et dire les choses en face. Difficile pour lui de faire comme s’il n’avait pas entendu.
Je dois lui répéter cent fois la même chose…
Faire répéter son père ou sa mère est un moyen d’avoir du pouvoir sur lui. C’est aussi une façon de l’obliger à s’intéresser à soi, de s’assurer de son amour, estime le Dr Élie Hantouche, psychiatre. Vous lui serinez de passer à table, de faire ses devoirs… En pure perte ? Changez de méthode et passez un contrat avec lui. Vous dites les choses «une fois» (ou trois, maximum). Soyez ferme avec lui : s’il n’y a pas de réponse, c’est la sanction. À vous de vous y tenir. Au besoin, s’il fait toujours la sourde oreille, mettez bien les choses au point : «?e viens de te dire quelque chose, je ne le répéterai pas…»
Je finis toujours par céder
C’est très fréquent. Et c’est une attitude à éviter, car elle pérennise sa désobéissance. Même si vous vous sentez coupable d’avoir crié, n’abandonnez pas ! Seule la constance paye. Pour être prête chaque soir, il est bon d’avoir un «sas de décompression» : marcher un peu avant de rentrer, pour ne pas rapporter chez soi le stress du travail… Important : rester uni face au rebelle. Ou décider que le plus calme gère la crise du jour.
J’en ai marre de tout faire
Pour la millième fois vous avez demandé qu’on vous aide, mais personne ne fait jamais rien. Ranger sa chambre, débarrasser la table… votre enfant n’a jamais le temps. Résultat : c’est vous qui héritez des corvées. Vous exigez un coup de main, mais tout le monde a l’air de s’en fiche ! Faites la grève, propose le Dr Gisèle George. Au besoin, persévérez une semaine. Quand il n’aura plus de vêtements dans ses tiroirs et rien à manger, parce que vous vous occupez égoïstement de vous, il devrait comprendre. Mais attention : il faut tenir sur la distance et accepter de vivre dans le bazar jusqu’à ce qu’il décide de se remuer !
Il faut bien que je crie plus fort que lui
Plus l’enfant crie, plus on a tendance à vouloir couvrir sa voix pour se faire entendre. Si on reste imperturbable, il sera obligé à un moment ou
à un autre, faute de «retour», de parler lui-même moins fort. Quand on sent la colère monter, le mieux est de s’isoler ou de faire un tour dehors, si un autre adulte est présent. Autre solution : isoler l’enfant dans une pièce jusqu’à ce qu’il se calme et ne reprendre la discussion qu’à ce moment-là.
Il me provoque
Certains jeunes donnent l’impression de vouloir faire sortir l’adulte de ses gonds. C’est surtout un moyen de tester son autorité. «Crier, c’est montrer qu’on n’est plus maître de soi», précise Anne, enseignante en lycée. Sa méthode face à un élève qui «cherche» une confrontation : le silence. «Je me place en face de lui et je le regarde d’un air ironique, jusqu’à ce que ma présence le dérange vraiment. C’est comme dans la jungle, je m’installe sur son “territoire” : il est assis, je suis debout et je ne le quitte que lorsqu’il est calmé.» C’est plus efficace que de lui ordonner. «Untel, taisez-vous !» Et cela apaise ceux qui sont autour. En famille, faites pareil.
source: enfant.com