Le lien mère-fille, c’est… souvent le grand amour, parfois une relation à couteaux tirés et toujours à la vie, à la mort. Dans cette belle histoire, comment trouver la bonne distance pour que chacune s’épanouisse pleinement?
Première épreuve, passer le cap du complexe d’Œdipe
Nous sommes devenues très proches de nos filles chéries. On se parle, on se confie, on se dispute pour mieux se réconcilier. On espère surtout que ce rapprochement nous aide à leur transmettre les clés de leur liberté et de leur bonheur. De l’avis de nos experts, leur vie future commence bel et bien à se dessiner au cœur du tandem mère-fille, dès la petite enfance et au fil de leurs années de jeunesse. Mais attention, trop de proximité ne leur vaudrait rien de bon. Ces demoiselles ont besoin d’air pour se différencier de nous et devenir vraiment elles-mêmes. Comment trouver la bonne distance? À chaque étape, le Dr Marie Lion-Julin et la thérapeute Véronique Moraldi nous aident à trouver les bons repères pour baliser les espaces d’épanouissement de chacune.
Après deux ou trois ans de tendre fusion, notre mignonne se tourne vers son père. Une manière de compenser le fait qu’elle ne peut nous combler totalement, aussi fort soit notre amour pour elle. Car l’autre amour de notre vie est bien censé être son papa. Et si cet homme est digne d’une telle attention, c’est qu’il est forcément très intéressant. Souvent, après 4 ans, le temps de l’Œdipe sonne et bouscule l’idylle mère-fille.
Ce que l’on peut faire
Ne tentons pas de "récupérer" l’amour de notre petite en faisant ses quatre volontés. La miss voudrait usurper notre place et se marier avec son père ? Il serait vain d’entrer en rivalité avec elle. Patience, vers 6 ou 7 ans, l’embellie sera au rendez-vous. D’ici là, valorisons-la et accordons-lui une place de choix, mais dans son rôle de petite fille. Concrètement, on peut donc lui faire tous les compliments du monde, mais il faut la cadrer si nécessaire en cas de caprices, de mot de travers ou d’élan trop amoureux vers son père.
Le rôle du papa
Pendant toute la durée de l’Œdipe, il rappelle clairement à sa fille qu’on ne se marie jamais avec son papa. Il peut se référer au schéma des contes de fées : lui est le roi, maman est sa reine et la petite est leur princesse. Quand elle sera plus grande, cette dernière trouvera un prince rien que pour elle. Pendant la période d’accalmie, passé le cap œdipien, le papa doit veiller à ce que le duo mère-fille ne se resserre pas trop fort. À lui de s’investir dans la scolarité et dans les activités de sa fille.
Adolescence, on gère la guerre des nerfs
Les années collège se soldent souvent par quelques conflits. Normal, la demoiselle se cherche, elle change de corps, de regard sur le monde… et nous gênons son champ de vision. Heureusement, les périodes de trêve sont nombreuses et l’on se rapproche alors. Si l’adolescence fait ainsi souffler le chaud et le froid, c’est probablement qu’une mère est aussi indispensable qu’insupportable à sa fille. "Cette dernière a besoin de repères maternels positifs pour se construire. Mais, dans le même temps, elle doit se différencier de sa mère pour faire valoir le meilleur d’elle-même", affirme le Dr Lion-Julin.
Ce que l’on peut faire
"Il est fondamental de donner à sa fille un cadre qui lui permette à la fois de développer ses talents et de limiter les dérives", souligne Véronique Moraldi. Dans les moments de conflit, mieux vaut prendre de la distance et relativiser ce qui est secondaire (mode décalée qui agace, goûts musicaux qui heurtent nos oreilles…). Et quand la paix est revenue, il ne faut pas la jouer trop copine. Gardons des principes clairs pour qu’elle s’y retrouve, sur les heures de sortie par exemple, les obligations scolaires… Dans tous les cas, on ne cherche pas à lui plaire et, quand elle dépasse les bornes (imprudences, insolence, désobéissance…) on la remet à sa place. Tant pis pour l’orage en perspective. Si les conflits s’enlisent et que les réactions de chacune deviennent disproportionnées, Véronique Moraldi nous invite à nous interroger sur nos liens avec notre propre mère. "Éclaircir les zones d’ombre de son histoire familiale facilite les relations avec la nouvelle génération", souligne la thérapeute.
Le rôle du papa
Pendant toute cette période, il doit porter un regard juste sur sa fille qui, peu à peu, se métamorphose en femme. Si elle lit de l’admiration dans ses yeux, ça lui donne confiance en elle. Alors que si elle reconnaît un désir inapproprié, elle ne peut assumer sa féminité et se tourner vers d’autres garçons. Et si le papa est trop absent, la fille va s’enfermer dans la quête de son attention.
"Un père peut donc se montrer très encourageant pour rassurer sa fille, mais il faut impérativement qu’il garde ses distances et respecte strictement son besoin d’intimité", conseille le Dr Marie Lion-Julin. Pas d’intrusion dans la salle de bains ou dans la chambre sans prévenir, pas de grands câlins comme au temps de l’enfance. Enfin, il joue un rôle clé en régulant la distance entre nous et notre ado. Quel soulagement quand il prend le relais pour la recadrer en cas de conflit ! Il sait aussi modérer notre tendresse et nos angoisses maternelles un rien étouffantes.
Les années jeunesse, le début de l’autonomie
Passé 15 ou 16 ans, le calme revient peu à peu. La jeune fille a su affiner ses goûts, affirmer ses choix d’orientation et créer des liens d’amour ou d’amitié plus forts. Elle est pourtant loin d’être armée pour la vie. On voudrait lui transmettre nos méthodes de travail pour s’en sortir à l’école, nos trucs beauté, l’informer sur la sexualité et lui donner tout ce qu’il faut pour qu’elle ait confiance en elle. Sans relâche, nous tentons de léguer des valeurs de respect de soi essentielles et nous y parvenons plutôt bien.
Ce que l’on peut faire
Lâchons-la ! Tout en assurant ses arrières au début… Elle veut commencer à sortir le soir ? D’accord, mais pas tout de suite en boîte, pas avec n’importe qui et pas n’importe comment. Au besoin, on gère le retour après la fête. Quand on la sent prête à vivre une aventure sexuelle, on peut parler avec elle de contraception, de prévention santé, et mettre une boîte de préservatifs dans la salle de bains. On évite cependant les confidences sur notre intimité comme sur la sienne.
À chacune sa vie, ses rêves, ses amis, ses activités et ses vêtements aussi.
Le conseil est bon pour elle, car nous la laissons ainsi respirer un peu, et pour nous également. En effet, en misant sur la différence, il est moins douloureux de voir notre fille s’éloigner, mais aussi moins difficile de prendre de l’âge. Inutile de jouer avec les mêmes cartes de séduction en s’habillant à l’unisson, par exemple : nos atouts sont différents. C’est en trouvant d’autres sources de valorisation (un style à nous, un job qui nous intéresse, des hobbys passionnants, etc.) que nous pourrons pleinement nous réjouir des succès de notre princesse.
Le rôle du papa
Il a le pouvoir de faciliter l’éloignement progressif de sa fille en l’encourageant dans ses études, en l’aidant plus tard à chercher un logement. Il doit encore se tourner vers sa femme, c’est-à-dire vers nous, et c’est le moment de donner un souffle nouveau à la vie de notre couple.
source: yahoo.fr