Dopage : les ados peuvent-ils aussi être concernés ?



Le dopage existe-t-il aussi chez les sportifs amateurs ?
Pr Jean-François Toussaint : La fréquence du dopage chez les jeunes est difficile à estimer. Selon Patrick Laure, qui a bien étudié ce sujet, de 3 à 5 % des sportifs amateurs pourraient être en contact avec des substances dopantes afin d’obtenir de meilleures performances à l’occasion de certaines épreuves départementales ou régionales. Le dopage peut donc exister dans des compétitions jugées mineures.
Quel type de substances consomme-t-on ?
Pr J.-F. Toussaint : Essentiellement des amphétamines ou des stéroïdes. C’est-à-dire des produits qui jouent sur le système neuropsychologique et la motivation, ou des substances qui augmentent la masse musculaire (effet anabolisant). Nous ne dis­posons pas d’éléments permettant de conclure à une utilisation fréquente de substances telles que l’EPO (érythropoïétine) chez les jeunes amateurs. Il faut dire que les circuits de distribution de ce produit sont plus complexes et plus coûteux. Alors que les amphétamines et les stéroïdes sont plus accessibles.
Cela se retrouve-t-il dans tous les sports ?
Pr J.-F. Toussaint : Dès lors qu’un sport nécessite une masse musculaire importante, la tentation est grande d’avoir recours à des substances illicites. Aux États-Unis, dans les compétitions sportives universitaires, comme l’aviron, le recours aux stéroïdes est très fréquent. Mais cela peut se retrouver dans tous les sports, même le tir à l’arc avec l’utilisation de molécules qui ralentissent le rythme cardiaque. Or, chaque battement du cœur modifie la position du bras. Si le temps entre deux battements est augmenté par des bêta-bloquants qui ralentissent la fréquence cardiaque, alors les chances de viser juste le sont tout autant.
Les jeunes sont-ils plus exposés aujourd’hui ?
Pr Gilbert Peres :  Chez les sportifs de haut niveau, c’est dans les années 90 qu’on a atteint le pic. Depuis, notamment dans le cyclisme, la situation s’est assainie. Pour les sportifs amateurs, les choses sont plus contrastées. La Fédération française d’haltérophilie, musculation, force athlétique et culturisme (FFHMFAC), la seule reconnue par le ministère des Sports, a fait le ménage dans ses salles. Mais d’autres fédérations de culturisme n’ont pas eu la même démarche.
Pr J.-F. Toussaint : Le problème est celui de la disponibilité des produits, avec le développement des ventes libres sur Internet. Cela correspond aussi à d’autres comportements de plus en plus fréquents, tels que l’alcoolisation rapide (« binge drinking ») : de plus en plus souvent, on recherche des sensations fortes rapidement. De même, dans le sport, on cherche une progression rapide à moindre effort. Au lieu d’avoir une progression lente et graduelle, fruit d’un entraînement régulier et bien mené, on veut améliorer ses performances sur-le-champ.
Un jeune peut-il être dopé contre sa volonté ?
Pr G. Peres : Il n’y a pas de « signes » de dopage. Le seul indice, c’est une évolution trop rapide des performances. Quant à être dopé à son insu, l’argument a beaucoup été utilisé par des athlètes de haut niveau mais il n’est pas recevable : se doper, c’est tout de même prendre des comprimés, recevoir des injections… On s’en aperçoit ! La situation est un peu différente pour les plus jeunes, entre les mains d’un adulte de confiance qui pourrait les doper sans qu’ils le sachent. Certains adultes peuvent vouloir forcer le destin de leurs enfants ou de ceux dont ils ont la responsabilité.
Où commence le dopage ?
Pr G. Peres  Par définition, c’est l’utilisation de produits appartenant à une liste ou l’utilisation de procédés interdits. Mais il n’est pas facile de dire où s’arrêtent les méthodes « naturelles » et où commence le dopage. Des produits « diététiques » tels que la créatine ne sont pas reconnus comme « dopants », pas plus que le gamma-oryzanol et certains alcools dérivés de plantes (Smilax officinalis, Citrus aurantium…), précurseurs des hormones mâles. Mais, même si ce n’est pas officiellement du dopage, cela met les jeunes sur la voie des conduites dopantes.


source: topsanté.com